14 novembre 2023

Qu'aurait-il fallu qu'Israël fasse ? Emotion, justice et stratégie.

Qu’aurait-on souhaité qu’Israël fasse ?

Après le massacre perpétré par l’organisation terroriste et islamiste Hamas, au vu du traumatisme et de la sidération que cela a provoqué en Israël, qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

On lui concédait le droit de se défendre. Mais qu’est-ce que concrètement cela voulait-il dire ?

On dit aujourd’hui : certainement pas ce qui est train de se produire, à savoir une guerre engagée contre un ennemi cynique et meurtrier qui utilise sa propre population comme bouclier humain, une guerre donc qui fait des milliers de victimes collatérales.

Au point qu’on parle – à tort - de vengeance, c’est-à-dire qu’on accuse Israël de vouloir tuer des Palestiniens comme on a tué des Israéliens. 

Un enfant mort vaut un autre enfant mort entend-on dire.

Un enfant mort de mort violente en vaut un autre, oui. L’émotion que cela provoque est la même. Insoutenable et inacceptable (toute autre mort d’enfant aussi d’ailleurs).

Faut-il pour autant mettre sur le même plan les intentions des auteurs ?

La justice ne le fait pas, elle invoque parfois des circonstances atténuantes ou aggravantes. Elle parle d’intention de donner la mort, elle parle d’homicide involontaire, elle parle de cruauté, de barbarie. Bref, la justice nuance la gravité du crime en fonction de l’intention et des circonstances. Pour la justice aussi un enfant mort en vaut un autre. Mais elle ne parle pas de ça.

 

Donc reposons la question : qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

Et je complète : à part rien ?

Car rien n’était pas possible. Rien était meurtrier à moyen terme, rien voulait dire : accepter que ça recommence, se montrer si faible que c’en aurait été une invitation à un nouveau massacre. D’autant plus que les assassins du Hamas sont eux les vrais amis inconditionnels du massacre. Ils se revendiquent comme tel. Je limite là cette allusion à l’homme politique le plus infâme du moment.

Une réponse plus pertinente qu’on entend à travers les commentaires est : tout mais pas ça.

 

Tout, c’est-à-dire quoi ? A par rien ?

« Tout » englobe ici de nombreuses propositions farfelues et si éloignées du possible qu’il est inutile d’en rendre compte. Je veux parler déjà de ce qu’Israël aurait dû faire AVANT.

Oui la responsabilité du gouvernement de Netanyahu est immense et l’histoire est déjà en train de le juger, mais en attendant il est toujours aux commandes et continue à faire du mal aux Palestiniens et à Israël, comme le Hamas a fait du mal à Israël et aux Palestiniens.

Mais cela ne répond pas à la question.

Impossible d’entendre : Israël devrait faire la paix, devrait proposer une solution au problème palestinien car cela revient à dire : rien. Cela revient à dire : Israël ne doit rien faire en réponse à l’attaque du Hamas. Elle doit au contraire comprendre pourquoi cette attaque a eu lieu et œuvrer à ce qu’elle n’ait plus lieu en oubliant l’attaque elle-même et peut-être même en l’effaçant de son histoire. Elle doit accepter les raisons évoquées par l’agresseurs, accepter le prétexte à son fanatisme.

Surhumain, et je pense jamais vu dans l’Histoire.

Comme on aimerait qu’Israël soit un pays de dieux.

 

Je complète donc la réponse qu’on entend aujourd’hui :

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

Tout mais pas ça.

Je complète : à condition, au minimum, d’obtenir justice.

Qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

Quel les otages soient libérés sans condition, et que les responsables du massacre soient jugés.

Admettons que l’opération militaire actuelle affreusement meurtrière pour les civils est loin de pouvoir remplir ces objectifs.

Si on avait vraiment voulu qu’Israël fasse tout sauf ça, il aurait fallu à minima lui garantir le retour des otages et la justice.

Qui a proposé cette solution ?

Personne.

Qui demande la libération inconditionnelle des otages ? Qui demande la reddition du Hamas qui vient de perpétrer cette ignominie ?

A croire que l’opération actuelle satisfait finalement tout le monde. On se débarrasse du Hamas et on se débarrasse d’Israël, au moins de son gouvernement.

Et cela sur le dos des civils israéliens et des civils palestiniens.

 

J’admets que je ne réponds pas plus à la question de ce qu’Israël devrait faire.

Comment pourrais-je ? Mais qui, dans nos débats loin du terrain, bien à l’abris dans nos rues presque calmes, qui le pourrait ?

 

J’ai déjà entendu la réponse : à défaut d’une solution viable, ou à partir du moment où il n’y pas de solution, autant choisir la non-solution qui fait le moins de mort.

C’est une position logique que l’on peut entendre mais qui ne tient pas compte de ce que cela signifie en termes d’avenir pour Israël. Ne rien faire serait effectivement épargner la population palestinienne aujourd’hui mais assurer les souffrance demain de celle d’Israël.

Ne rien faire serait aussi mettre l’existence d’Israël en jeu puisque le programme du Hamas est sa destruction.

 

Israël aurait donc pu ne rien faire à condition d’obtenir justice et réparation.

Personne ne le lui a garanti. Personne n’a esquissé la moindre proposition pour le lui garantir.

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse sans cette garantie ?

 

On n’aime l’état d’Israël que lorsqu’il est attaqué, on n’aime les juifs que lorsqu’ils sont victimes. Que l’état d’Israël se défende et on ne l’aime plus du tout. 

On dira : ça n’est pas de la défense c’est un massacre.

C’est vrai. L’éradication du Hamas étant impossible sans ce nombre insupportable de victimes collatérales et malgré les quelques précautions prises par Tsahal, peut-être Israël aurait dû s’abstenir de faire quoi que ce soit.

A condition d’obtenir justice.

On pourrait aussi ajouter : à condition d’obtenir une assurance de sécurité.

Car ici on entre dans le domaine stratégique. Israël est un état comme un autre qui se soucie de sa sécurité avant tout avec la particularité de devoir se soucier également de son existence.

Une assurance de sécurité signifie l’éradication du Hamas qui a juré sa destruction.

Il aurait donc fallu qu’Israël ne fasse rien, à condition d’obtenir la libération des otages, justice et sécurité, c’est-à-dire l’éradication de l’organisation terroriste et islamiste Hamas.

Dans un plus long terme, on pourrait aussi ajouter : à condition de lui assurer une sécurité à long terme c’est-à-dire un règlement de la question d’un Etat palestinien viable.

Car évidemment, aucune sécurité n’est possible pour Israël sans un règlement de la question palestinienne par la création d’un état palestinien à côté de celui de l’état d’Israël.

Voudrait-on revenir à la proposition de partage de 1947, votée par l’ONU et acceptée par Israël ? Et immédiatement rejetée par les pays arabes qui ont déclaré la guerre à Israël le jour de la proclamation de sa création ?

 

Aujourd’hui donc je repose la question :

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse dans la mesure ou rien ne lui a été garanti ni même proposé.

Macron a effectivement évoqué une coalition pour faire la guerre au Hamas. C’était s’approcher de la solution qui consiste à éviter qu’Israël s’en charge. Tout le monde lui est tombé dessus. Mais était-ce seulement une garantie d’épargner les civils ? Pas certain.

 

On a laissé Israël seul. On laisse les Palestiniens seuls.

On laisse le faible Netanyahu bander ses muscles alors qu’il vient de laisser assener le plus terrible des coups au pays qu’il devait protéger. On le laisse apporte une non-solution meurtrière à la place d’une non-solution mortifère pour Israël.

 

Ne jetez pas la pierre sur Israël. L’état d’Israël n’est pas plus surhumain que ne le sont les juifs.

La communauté internationale est co-responsable des bombes israéliennes aujourd’hui. Les Etats-Unis, les pays arabes, l’Iran, le Qatar, la Russie et la Chine. Les membres du bureau permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’ONU elle-même.

Ils ont la solution mais ils ne veulent pas la chercher. Les pays arabes s’en foutent des morts palestiniens, ils s’en sont toujours foutu. Rappelez-vous le septembre noir en Jordanie.

 

Cette tragédie qui s’opère sous nos yeux est la nôtre, tout simplement.

Il n’y a pas de réponse à la question : qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

C’est ça la victoire du Hamas, déprimante et terrifiante.

Nous sommes tous aliénés à la situation qu’il a créé. Nous ne pouvons nous en sortir, nous n’avons aucun choix.

Alors oui peut-être, sans aucun choix, mieux vaudrait décider de ne pas frapper la population palestinienne.

La communauté internationale ne fait rien pour aider Israël à faire ce difficile choix qu’aucun pays dans l’histoire n’a fait me semble-t-il. Mais le pays des juifs n’est-il pas un pays à part ? C’est ce dont certains – et pas les moins antisémites - voudraient vraiment nous convaincre.

 

L’état d’Israël a commis l’erreur historique de ne pas régler le problème palestinien. Sans ce règlement le pays ne saurait être en paix sans se barricader derrière une puissance militaire et technologique dont la preuve est faite aujourd’hui qu’elle a ses limites.

Les Palestiniens ont commis l’erreur historique de passer au terrorisme au moment de la deuxième Intif         ada. C’est pourquoi le salut du peuple palestinien ne peut passer que par la fin des organisations terroristes et plus particulièrement celle islamiste du Hamas. La révolution des pierres de la première Intifada était un piège définitif pour la politique israélienne. La faire durer était je crois s’assurer une victoire à moyen terme. Passer aux attentats suicides a clos le débat et tué tout espoir.

Les accords d’Oslo sont morts sur l’autel de l’extrémisme des deux côté. Un extrémisme qui nous aliène tous et nous empêche même de penser.

 

Que faudrait-il qu’Israël fasse ?

Nous devons faire la part des choses entre l’émotion, la justice et la stratégie.

L’émotion est légitime aujourd’hui mais ne peut pas peser devant le manque de justice et les sombres réalités géopolitiques.

Nous savons ce qui aurait dû être fait pour éviter cette tragédie mais nous n’avons rien fait pour que cela arrive, nous savons ce que nous devrions faire pour que cela n’arrive pas. En aurons-nous la volonté ou passerons-nous encore d’un conflit à l’autre, d’une émotion à l’autre, quand par exemple la Chine attaquera Taiwan et que nous serons au bord de la guerre mondiale ? 

Nous ne savons pas quoi faire maintenant et nous laissons Israël seul. 

Ce qui arrive est évidemment notre symptôme et notre faute. 

L’émotion est légitime, des deux côtés, et le sentiment de révolte aussi.

Ces sentiments n’apportent aucune solution. Comme le dit Pierre Haski ce sont les puissances régionales comme les grandes puissances mondiales qui ont la clef de la fin de cette crise. Pas Israël.

En laissant Israël seul, nous laissons seuls les Palestiniens.


19 mai 2023

La hantise du donné

La hantise du donné

 

Depuis longtemps le donné nous ennuie.

Un monde qui nous est donné nous limite, limite nos désirs.

Nous, êtres de désir, ne voulons plus être frustrés.

Nous sommes finis, c’est notre croix. Nous voulons être des Dieux.

Aussi repoussons-nous toujours les limites que nous impose le monde. Nous le travaillons afin qu’il ne nous limite plus.

Nous cherchons à nous mouvoir dans l’espace toujours plus vite, nous voulons aller toujours plus loin. Sur terre, dans les airs, dans l’espace.

Le donné objecte mais nous cherchons à le contrer.

C’est notre noblesse de ne pas nous incliner. C’est ce qui origine la science et la technique. 

Nos progrès sont autant de refus des limites du donné.

 

Mais le donné nous ennuie de plus en plus, plus profondément. Notre insatisfaction n’a elle-même plus de limite.

Nous refusons certes les maladies, les atteintes au corps mais pas seulement. Nous refusons notre nature.

 

Il faut dire que le donné le plus éminent c’est notre corps, celui que notre conscience habite. C’est notre boite et notre condition. Notre destin dira-t-on.

Nous refusions que le donné de notre corps nous impose la souffrance ou la mort. Nous sommes chercheurs, médecins. Nous nous réparons.

La mort et l’âge, un autre donné qui ne nous sied pas. Nous ne voulons ni mourir ni vieillir. On y travaille.

Mais ça n’est pas tout.

Notre insatisfaction attaque maintenant le donné d’origine. Notre sexe, notre genre.

Nous refusons ce donné-là aussi.

Mes désirs ne sauraient être limités par la nature.

La nature doit être ma volonté, aidée soit par la technique soit par le consensus social.

Appelez-moi homme ou femme, indépendamment du donné.

Un jour viendra peut-être où même XX et XY seront à ma main.

Ce jour-là nous serons peut-être proches des Dieux.

 

A moins que le donné ne soit le produit logique de notre propre existence.

Nous repoussons toujours plus loin les limites de notre corps. Aspirine, antibiotiques, thérapies géniques… le donné de la maladie s’éloigne.

Mais revient toujours. De là où nous l’avons repoussé.

Et le Sida, et le Covid…

Nous allons battre le cancer ? Quelque chose en ressortira qui nous rappellera que notre corps est bien notre destin, bien notre finitude.

C’est la logique du corporel.

Le corps c'est le réel, c'est ce qui reviendra toujours à la même place disait Lacan. La place de la limite que le langage impose.

 

Le donné n’est pas seulement notre corps, c’est aussi nos affects, individuels et collectifs. Oui collectifs. Les réseaux sociaux donnent corps à des affects collectifs. Et ça travaille les corps ensuite. Ça induit des mouvements physiques.

Et nous nous retrouvons en face de ce corps collectif comme les traders en face du marché. Une mer qui a ses propres vagues, une somme des mouvements individuels qui ne se réduit pas à leur agrégation.

Les réseaux sociaux constituent le marché des opinions. Un marché qui nous englobe, qui nous travaille en retour, qui nous aliène et qui décide pour nous.

C'est un avatar de la fin du collectif et de l'avènement de l'individu. Ultime et terrible conséquence de l'individualisme.

Et la guerre, et la dictature, et la barbarie… autant de manifestation de notre propre donné dont nous ne voulons souvent rien savoir. Nous créons nos propres idéologies mortifères, au nom du bonheur et du Bien.  Nous voulons le bien de tous et nous faisons le mal autour de nous. 

Ce donné-là est en nous, pas seulement dans notre corps mais dans notre propre naissance au monde.

Un donné qui vient de nous. Notre déité crée notre finitude. Nous nous limitons nous-mêmes.

 

Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans nos têtes pour que nous refusions le manque ? Pour que nous n’acceptions plus la vertu de la frustration ?

Le sacré, cette incarnation du donné irréductible, du non alghorithmisable, nous a abandonné. Nous en somme orphelins et ne savons plus comment grandir.

La fin du sacré nous laisse penser que nous pouvons être des Dieux. 

Alors nous ne pouvons plus accepter d’être juste humains.

 



15 avril 2023

Drama encore

 

De même que la Nupes n’a pas voulu vérifier s’il y avait une majorité parlementaire défavorable à l’article 7 de la loi sur les retraites, de même le gouvernement n’a pas voulu vérifier s’il y avait une majorité pour voter la loi.

De même que la première ministre avait déclaré d’emblée que le report de l’âge légal n’était pas négociable (après l’avoir tout de même baissé d’un an par rapport aux promesses du candidat Macron) de même les syndicats ont refusé d’emblée ce même report en déclarant qu’il s’agissait d’une ligne rouge.

Qu’y avait-il alors à discuter ? Rien.

Dès le départ il s’est agi d’une confrontation, front contre front, sans aucun espoir de compromis. Tout le monde l’a joué politique. La Nupes y a vu l’occasion de refaire le match, comme toujours et ça ne cessera pas jusqu’au prochain scrutin présidentiel, la majorité relative y a vu l’occasion de se coller à la droite parlementaire pour faire majorité absolue. Et tout le monde a perdu.

Sauf Le Pen dit-on. On verra.

 

La propension des médias à tout dramatiser afin que nous suivions une fiction palpitante sans fin explique aujourd’hui ces sondages débiles qui nous disent ce que les Français voteraient si on revotait maintenant.

Et l’on s’extasie devant la dégringolade de popularité d’un Président qui est vilipendé tous les jours dans la rue et dans les actualités. C’est tellement ridicule que c’en est comique.

 

Sauf que ce qui n’est pas comique c’est ce consensus général pour la dramatisation.

 

La surdramatisation de la décision du conseil constitutionnel constitue peut-être à ce titre un cas d’école pour les années à venir.

Il fallait overdramatiser !

Il fallait créer un désir improbable autour d’une invalidation possible de la loi par le conseil constitutionnel.

Il ne fallait surtout pas dire que le conseil constitutionnel statuait sur la validité constitutionnelle de la loi, il fallait aller aux conséquences : la loi serait retirée en cas d’inconstitutionnalité.

Jusqu’ici, « fair enough » comme on dit.

Seulement cette surdramatisation a eu une conséquence : la pression politique et syndicale sur une conclusion d’ordre juridique.

C’est vrai qu’en cas d’invalidation, les opposants à la loi (quasi tous les français apparemment on nous dit) auraient gagné un sursis et il est probable que le gouvernement en aurait profité pour laisser tomber.

Mais ça n’est pas ce qui s’est passé.

Le conseil constitutionnel a déclaré le principal de la loi… constitutionnel.

Et là, évidemment, on lui reproche d’avoir soutenu un gouvernement libéral et amoral.

Il n’a fait que statuer sur la constitutionnalité du texte.

Un peu comme si on lui demandait de vérifier l’orthographe et qu’en cas de faute, on annulait.

Le texte étant bien écrit, on n’annule pas.

 

Maintenant que c’est derrière nous, voici les deux épisodes suivants :

Le premier mai et le deuxième Rip.

Combien de monde le premier mai ? Voilà un désir que les médias vont créer avec un corolaire, y aura-t-il des violences ? Ça va nous tenir deux bonnes semaines.

Puis le second RIP.

Nous avançons avec ce dernier enjeu sur le même terrain que celui du CC : la confusion, bonne pour la fiction, mauvaise pour la raison.

 

Si le second RIP est déclaré conforme, après recueil des signatures, les assemblées doivent examiner le texte (ici : retour à 62 ans). Si les deux assemblées rejettent (ou adoptent) le nouveau texte, il n'y a pas de référendum.

J’ai peut-être mal compris mais il me semble qu’il s’agit plus d’une occasion d’un deuxième vote par les assemblées. Donc, finalement par le parlement car il est peu probable que le Sénat vote en contradiction avec son premier vote.

En revanche il semblerait effectivement que la loi référendaire pourrait être examinée par le parlement et éventuellement votée.

On irait au vote qui a tant fait défaut la première fois.

Et on vérifierait qu’il n’y avait pas de majorité pour le texte, ou le contraire. On nous dit que ça se serait joué à quelques voix près et c’est pour cela que le gouvernement a fait la faute de refuser ce vote.

 

SI le texte référendaire était effectivement rejeté quel serait les recours de l’opposition ? Aucun.

En cas d’adoption par l’assemblée, retour à 62 ans, alors les opposants à la réforme auraient gain de cause.

Tout va donc peut-être se jouer sur le vote d’une poignée d’élus LR. 

Mais le referendum semble peu probable. 

Dramatisation, fiction. On est loin de la réalité mais il faut bien avouer que la réalité n’est jamais aussi dramatique qu’on voudrait, elle est trop fade.

 

On n’en a pas fini avec la drogue de la dramatisation.

Et pendant ce temps, rien ne se passera d’autre.

Et nous pourrons nous approcher tranquillement de l’overdose.

 

Elle nous accompagnera jusqu’à l’épisode final dont l’enjeu est déjà écrit : 

Va-t-elle finalement y arriver ?

 

Afin de montrer à quel point il s’agit ici de dramatisation et donc finalement d’écriture du réel, je renvoie à cet article de Dominique Seux dans Les Echos "Retraites : un coup de main ou un coup d'éclat ?" que je me permets de citer :


« Le vrai paradoxe est qu'au cours des trois mois qui se sont écoulés depuis la présentation de la réforme, le 10 janvier, on a appris que l'âge moyen de départ en retraite continue d'augmenter dans notre pays. Fin 2021, il était de 62 ans et 7 mois (deux ans et un mois supplémentaires depuis 2010). La donnée n'est pas disponible pour la fin 2022, et encore moins à la fin du premier trimestre de 2023, mais on se rapproche des 63 ans… »

 

 

 


23 mars 2023

A deux pas du Réel

 C’est la dérive d’une société.

Sous les coups de boutoir d’un nouveau discours, celui des réseaux sociaux, donc de la meute, qui aliène la logique médiatique et le discours politique, qui nous contraint tous à nous déterminer sur des sujets que nous ne choisissons pas, dans des termes qui ne nous satisfont pas, qui fait émerger de nouvelles figures qui lui ressemblent, celles des grandes gueules, des populistes, des démagogues aussi lâches que cyniques, qui ne cesse de s’attaquer aux élites et donc au savoir, qui s’enorgueillit de contester à la science sa pertinence et son utilité, la société est devenue acéphale, elle coure comme un poulet sans tête et semble vouloir se prendre le mur, tomber dans le ravin ou se brûler au feu.

 

Cette crise de la réforme des retraites, personne ne la souhaitait, personne n’en avait besoin (je parle de la crise, je ne me prononce pas sur la réforme. Qui le pourrait ?), après la crise des Gilets Jaunes, première incarnation de la furie des réseaux sociaux, celle du Covid, celle du dérèglement climatique, celle de la guerre en Ukraine, après les menaces angoissantes qui harcèlent notre futur, personne n’avait besoin de cette crise.

Et si la réforme était inévitable pour se protéger d’une nouvelle crise, celle de la finance, celle de notre dette, que ne l’avez-vous dit plus clairement, plus fermement !

Cette crise on pouvait l’éviter.

Tout le monde commet des erreurs d’appréciations, surtout quand le contact avec le réel mouvant des sentiments collectifs n’est plus médiatisé que par les machines à fake news et les discours hystérisés par des politiques calculateurs et déboussolés.

 

Mais cette erreur-là, on devait l’éviter.

On devait l’éviter simplement en regardant notre société essoufflée, chancelante de fatigue, après tous ces obstacles à moitié franchis.   

Mais non. Il a fallu regarder ailleurs, vers une campagne et des promesses à tenir, vers l’image du jeune prodige réformateur qui allait forcer la société à se conformer à la réalité, c’est-à-dire à un dépassement de l’opposition droite-gauche pour un affrontement contre les populistes. Il a fallu s’arcbouter sur une réforme peut-être nécessaire mais incomprise (qui sait ?) pour coller à cette image.

Il n’y rien de pire qu’être dupe de sa propre image.

 

Pas facile de naviguer quand tout autour de vous est fait d’un même bois, celui du mensonge et de l’outrance.

François Hollande a vu le monde changer pendant sa présidence et n’en a pas pris la mesure. Emmanuel Macron a fait mine de maîtriser le changement mais vient de prouver qu’il appartient peut-être lui aussi au passé.

Qui peut aujourd’hui tenir la dragée haute au populisme de gauche comme de droite ? C’est comme demander qui peut opposer aujourd’hui la vérité au mensonge, les faits aux faits alternatifs ?

Personne.

 

Les syndicats avaient averti : la ligne rouge c’était l’allongement de l’âge du départ à la retraite. Devant un tel refus à priori on peut comprendre la volonté de passer en force. C’était un refus politique avant tout. 

Le refus des masques et des vaccins aurait pu se transformer en révolte. Certains ont failli y croire et en épouser le mouvement. Honte à eux d’ailleurs. 

Mais le réel est venu leur clouer le bec. Le réel avec ses morts, ses malades et ses covid longs. 

Ici aucun réel palpable pour venir clouer le bec au refus. C’est bien le problème. On ne contraint pas une société à accepter les 64 ans comme on la contraint à se faire vacciner. 

 

Déni de démocratie entend-on. C’est vrai.

Car l’Assemblée aurait dû voter. Certes la Nupes n’a voulu ni débattre ni voter, de peur de voir la démocratie représentative accepter l’article 7.

Elle n’a voulu voter qu’au moment où elle a vu la possibilité de gagner.

Mais le gouvernement n’a pas voulu aller au vote car il n’était plus certain de l’emporter. 

Il est là le déni de démocratie. Le vote n’est accepté qu’en cas de victoire certaine. Par les uns comme par les autres. Vous n’êtes pas certains ? Alors obstruez ou passez en force. Evitez le vote, évitez le risque d’être contredits. Evitez l’autre.

Pourtant nous savons qu’il n’y a de majorité à l’assemblée que de circonstance.

Et si ce jour-là il n’y avait pas eu de majorité eh bien tant pis ! 

Ils ont opposé le constitutionnel à la démocratie. 

L’argument selon lequel les oppositions pouvaient s’exprimer lors du vote de la censure est un sophisme.

On a voulu prouver qu’il n’y avait pas de majorité alternative. Et alors ? Etait-ce pour autant légitime de ne pas vérifier s’il y avait une majorité pour cette réforme ?

Une preuve qui coûte cher. Le quoi qu’il en coûte n’est plus financier. Il est social et politique.

 

Il fallait que la réforme passe à tout prix ? Contre les vociférations des zadistes de l’assemblée, contre la fourberie de ceux qui n’ont qu’à ouvrir grand la bouche pour qu’au final la France leur tombe dans le gosier, contre cette droite perdue qui à l’instar du Parti Socialiste d’il y a quelques années ne sait pas qu’elle est morte.

 

Personne n’a réussi à convaincre assez les Français pour avoir une majorité à l’assemblée.

On ne peut pas se plaindre du manque d’offre. Il y en a eu pléthore sauf peut-être l’offre d’une gauche qui saurait gouverner. Il faut dire que la Maire de Paris qui déteste les parisiens n’a pas réussi à se faire aimer de tous les autres.

On dit que Macron a été élu pour faire barrage à Le Pen. C’est vrai. Personne ne sait ce qu’il aurait donné contre un autre qui aurait passé le premier tour. Y en a-t-il vraiment un pour croire qu’il aurait perdu contre Mélenchon ? 

Macron a été élu pour faire barrage à n’importe quel autre. Il a juste été préféré aux autres.

D’où cette réalité que certains veulent dénier : tout le monde a perdu… plus que lui.

C’est ça la démocratie. C’est le choix.

Et ceux qui lui font procès en légitimité se prennent le boomerang en retour. Un déni de démocratie en appelle un autre. C’est le discours des réseaux sociaux qui s’insinue en nous, dans notre système et nos consciences politiques comme un venin. 

 

Ça n’atténue pas l’énorme faute politique qu’il vient de faire, ça la tempère juste de l’escroquerie politique de ses concurrents.

 

Cette situation qui s’avère justement intenable est le prix à payer pour plier nos sociétés au discours débile et violent des réseaux sociaux. Ce discours qui entraîne un Brexit impossible et invivable, qui entraîne Trump et son 6 janvier. Il entraîne l’ingouvernabilité, le chaos logique. Il entraîne ces pouvoirs et cette assemblée de clowns. Il entraîne des mouvements contradictoires et désordonnés.

Nos sociétés vont de plus en plus s’aliéner à ce nouveau discours. La politique n’en sera que plus grotesque. Elle se caricaturera elle-même jusqu’à disparaître.

Nous assistons à la fin de la politique.

 

Voilà ce qui arrive quand on en veut aux élites, quand au lieu d’essayer d’en être, on veut les détruire de ne pas nous accorder de ristourne. 

Les élites… les dirigeants, les riches, les juges, les savants, les professeurs. Tout ce qui assoit son autorité de son expertise. 

Nous ne voulons pas des gens qui savent, nous voulons des gens qui savent nous faire rire, nous faire peur, nous faire rêver. Ders gens qui nous vengent de l’angoisse de vivre. Des gens qui savent nous faire croire que tout est possible, des gens qui savent nous faire oublier le réel, des saltimbanques ou des prestidigitateurs.

 

Pas étonnant que dans un monde qui se virtualise de plus en plus, qui substitue au monde une image fabriquée, qui nous épargne de plus en plus d’exposer nos corps à la réalité, qui gomme les magasins, les hôpitaux, les rencontres physiques, pas étonnant que dans ce monde où la vérité a statut de fiction, nous ne voulions plus entendre parler du Réel, ni entendre ceux qui essaient de l’affronter.

Nous ne voulons entendre parler que de nos fantasmes.

 

La société que cette crise révèle veut se débarrasser du politique et de la réalité. Elle va y parvenir.

 

A deux pas du bourbier ukrainien, à deux pas de la guerre.

A deux pas du Réel.